Sauver un animal
L’ebc (empathie, bienveillance,
compassion)
Molly trois jours après le recueil (phot : auteur)
Sauver un rongeur
Auteur : Philippe Kauffmann
Dernière MAJ : 5/12//2016
Pour joindre l’auteur : philippe.kauffmann(à)free.fr
Sauver un rongeur est plus délicat qu’un oiseau, car il est plus difficile à nourrir, et surtout parce qu’on ne peut compter sur les associations de sauvegarde que dans certaines régions (voir au chapitre Principes généraux pour toutes les espèces). Quoi qu’il en soit, mêmes quelques écoles vétérinaires acceptent de prendre en charge les grands (écureuils, lapins, etc.) et même les plus petits (rats, souris, etc.) comme l'école vétérinaire de Toulouse qui recueille et soigne ces animaux sauvages et accepte de donner des conseils par téléphone en cas de nécessité (05 61 19 32 76 ou portable (urgence) 06 21 76 79 40).
Par ailleurs, relâcher certains de ces animaux directement dans la nature après les soins équivaut à les condamner à mort à brève échéance. A contrario, les garder plus d’une demi-journée alors qu’ils sont mobiles (même blessés) les conduit très souvent à une mort subite (ils ne boivent pas ou trop peu ?). Ce chapitre fait brièvement le point.
Sommaire du
chapitre
Petits rongeurs (souris, rats, musaraignes…)
Les principes de l’éthologie s’appliquent totalement aux rongeurs (voir au chapitre Préambule et notions utiles). A savoir qu’il y a une brève période d’imprégnation au début de la vie qui commence à l’ouverture des yeux de l’animal et dure 8 à 15 jours selon l’espèce. Un animal sera beaucoup plus facilement soigné s’il est pris durant cette période (et surtout si c’est dès le début), car vous serez perçu comme une mère. Pour un animal recueilli après cette période, les soins seront beaucoup plus difficilement acceptés, l’animal risquant très fort de se laisser mourir d’inanition si on le garde plus d’une demi-journée.
Au moment de relâcher l’animal dans la nature, un second problème se pose. S’il était adulte au départ, une remise en liberté dans est sans problème s’il est fait sur le lieu de sa découverte (c’est-à-dire à quelques mètres maximum de là où on l’a trouvé) ; sinon attention au problème de territoire. Un animal sur un territoire étranger est menacé par ses congénères et ne connais pas les endroits pour se mettre à l’abri, ni pour se nourrir. Si l’animal n’était pas adulte, il n’a pas de territoire et n’a plus de congénères pour l’accepter. Dans ce dernier cas la solution consiste à lui fabriquer un abri incluant eau et nourriture avec une sortie souterraine, placé dans un endroit jugé propice. Une boite en carton suffisamment grande protégée de la pluie par un film plastique peut convenir. Il faudra ensuite apporter eau et nourriture régulièrement pendant quelque temps.
Un cas – hélas très fréquent – est le rongeur déjà autonome (souris, campagnol, etc.) rapporté par le chat du foyer, indemne ou blessé. Si l’animal est vivace, même blessé, il ne faut pas chercher à le garder très longtemps car quasiment toutes les expériences (personnelles et d’autres) se sont achevées par la mort subite du rongeur après moins de 24 h. Seul un nourrisson pouvant être efficacement soigné. Comme on ne sait en général pas ou était son territoire, on ne sait pas ou le relâcher. L’expérience montre que relâcher un de ces rongeurs à quelques dizaines de mètres de son territoire est trop. Il reste alors de longues heures décontenancé dans le nouvel endroit à la merci de tous les prédateurs. Donc, pour un rongeur sauvé des griffes d’un chat (hormis un nourisson), le mieux est de le remettre le plus vite possible, le plus près possible de son territoire dans une boîte en carton dans laquelle on a découpé une ouverture pour qu’il soit libre mais protégé et sur laquelle on a mis une grosse pierre pour que le chat ne puisse pas déplacer la boîte. On espère ainsi – que tout en ayant un abri - il se crée un nouveau territoire ou qu’il finisse par retrouver le sien.
Si l’animal a été recueilli pendant la période d’imprégnation, il est envisageable – si le lâché semble périlleux ou aléatoire – de le conserver en captivité. L’expérience a été faite et parfaitement réussie ; à voir dans les exemples.
L’alimentation devra être adaptée à l’espèce, mais comme pour les oiseaux, une nourriture fortement hydratée est souhaitable pour éviter la déshydratation (voir au chapitre Principes généraux pour toutes les espèces). Ici, comme il s’agit en général de petits animaux, la déshydratation est très rapide et ils ne boivent pas toujours spontanément assez.
Dans le cas de petits rongeurs (rats, souris, etc.), il faut aussi se méfier des graines apéritives pour humains mal adaptées (trop riches et trop salées) qui ne peuvent être utilisées que ponctuellement en dépannage. Dans le cas de petits (non adultes) il faut privilégier les granules compactées contenant des céréales et des fruits spéciales rat et souris. Dans tous les cas, si une souris – par exemple – se met à en manger de façon boulimique une nourriture trop attirante mais inadaptée, elle peut mourir d’occlusion intestinale.
Petits
rongeurs (souris, rats, musaraignes…)
Les termes rats [1] [2] et souris [3] sont des noms vernaculaires ambigus et ne déterminent pas une espèce précise. Typiquement, une souris est un rongeur avec une queue longue et un museau plutôt pointu, tandis qu’un rat a une queue nettement plus courte que le corps et un museau moins pointu. Un campagnol est un rat, appelé souvent rat taupier. La musaraigne (nom vernaculaire également) [4] ressemble à une souris ou un rat, mais est insectivore, ce qui change beaucoup de choses au niveau des soins !
A la campagne, ces animaux répondent en France au nom encore plus général de « nuisible » et la notion de soin n’est guère de mise pour eux. Malgré tout, des expériences sont en cours dans le Puy de Dôme pour essayer – en adaptant l’environnement – de réconcilier rongeur et agriculture. Pour qui aime les animaux, ces petits mammifères peuvent devenir des animaux de compagnie appréciables, joueurs, vifs et intelligents ; des sortes de marmottes miniatures.
Mais il peut arriver que malgré sa bonne volonté on veuille se débarrasser de ses petits animaux qui ont envahi la maison et provoquent des dégâts inacceptables. Tous les magasins de jardinage proposent pour ce cas un attirail complet de destruction massive. Mais une anecdote un peu étonnante vécue par l’auteur mérite d’être relatée ici. L’auteur, décidé à ne pas tuer les rongeurs envahisseurs de son nouveau domicile, a mis en place un système de cage pour les attraper et les mettre dehors un à un. Ils sont évidemment revenus après quelques dizaines de minutes… Opération désespérée donc ? Et bien non ! Il a fallu multiplier les trucs pour capturer les rongeurs car ils déjouaient au fur et à mesure chaque nouveau piège avec une astuce confondante. Mais après huit jours de bagarre, toute la colonie a spontanément quitté les lieux comme un seul homme ! Ca peut paraitre absurde, mais selon les études d’éthologie, lorsqu’une pression prédatrice devient trop forte sur une colonie, elle change de territoire. En tout cas, cela a évité à l’auteur des mois d’odeur de cadavre émanant des murs de la maison…et le réconfort d’avoir gagné une guerre sans mort.
Les soins suivent les mêmes règles générales que pour les oisillons :
· offrir un abri avec une boite en carton avec un fond en tissu ou équivalent (papier absorbant chiffonné) pour la chaleur et le confort en ménageant une zone pour les excrétions et une autre pour la nourriture. Si l’animal est adulte et blessé il faut lui ménager une cage ou boite extérieure avec possibilité de sortir comme présenté au chapitre Principes généraux pour toutes les espèces, car un animal stressé par la captivité va se laisser mourir (voir paragraphe plus haut).
· nourrir de jour toutes les deux ou trois heures avec du lait (tiédi de préférence car plus facilement accepté) et de type materné pour chaton (ou à défaut du lait ordinaire) avec un coton-tige imbibé à saturation ou un mini-biberon selon la taille de l’animal,
· remplacer au fur et à mesure des jours le lait par des petits morceaux de pomme et/ou carottes (bâtonnets de 1 à 2 mm de coté et 1 cm de long) et espacer les périodes de nourrissage,
· périodiquement proposer des cerneaux de noix et/ou pignons de pins ou graines pour rongeurs (dans tous les cas ni salées ni huilées), mais limiter la quantité si il y a tendance à l’absorption compulsive (ce qui n’arrive a priori qu’avec les graines apéritives pour humain),
· materner avec la même périodicité,
· lorsque c’est possible jouer avec l’animal périodiquement (sans le laisser s’échapper dans la maison !).
N. B. :
· Il faut faire évoluer la taille de l’abri avec la taille de l’animal.
· En présence d’une musaraigne (difficile à soigner), il faut remplacer les graines par de la pâtée pour chat ou chien ou de la pâtée pour insectivore d’animalerie.
· Dès que l’animal n’apprécie plus votre présence, il faut envisager de le relâcher en tenant compte des problèmes évoqués au début de ce chapitre, en le plaçant dans une cage ou boite extérieure avec possibilité de sortir comme présenté au chapitre Principes généraux pour toutes les espèces.
Notez que l’ouvrage de Gérard Grolleau Recueillir et soigner les petits animaux sauvages traite en détail du rat des moissons, du lérot, du muscardin et de la musaraigne. On notera aussi que la taupe est selon Gérard Grolleau impossible à maintenir, même temporairement, en captivité.
Les gros rongeurs se soignent comme les petits, mais sont plus faciles à apprivoiser. Il faut évidemment adapter la nourriture à l’espèce, et toujours bien veiller au risque de déshydratation.
Notez que l’ouvrage de Gérard Grolleau Recueillir et soigner les petits animaux sauvages traite en détail de l’écureuil, de la marmotte, du lérot, du lapin et du lièvre.
Notez aussi que si
pour une raison quelconque (handicap, problème de territoire, etc.) il apparait
clairement que l’animal ne pourra pas retourner à la vie sauvage, il faut
l’adopter et ne pas le remettre à un centre de soins UFCS car ceux-ci ne
peuvent pas garder les animaux en captivité. Si on le confie à un vétérinaire,
il faut également s’assurer au préalable qu’il est d’accord pour vous le
restituer après les soins.
N. B. : si le comportement de l’animal (regard dans le vide, animal qui titube, qui a l’air abattu, qui bave) fait soupçonner un empoisonnement, le transporter d’urgence chez le vétérinaire le plus proche pour examen et soins. Si l’animal a des blessures qui nécessitent des soins urgents et que le centre de soins UFCS est loin, privilégiez aussi le transport chez le vétérinaire le plus proche. En plus de procurer les soins indispensables il vous conseillera.
Le premier exemple est un lapereau sauvé des crocs d’un chien et soigné par l’auteur. Ca a été un échec, mais aurait été une réussite si l’auteur avait été un peu plus averti à l’époque des faits. L’animal avait déjà tout son pelage et était sevré. Il a spontanément accepté les soins et la nourriture (herbe seiche et fraiche). Au bout de huit jours tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes car l’animal était joueur et semblait apprivoisé. Mais il fallait faire un déplacement de six heures en voiture en plein été ce jour là et emmener le lapereau. Bien que ne craignant pas la voiture, il n’a pas bu durant le transport. Il semblait abattu à l’arrivée et a été emmené immédiatement chez le vétérinaire. Ce dernier l’a réhydraté en intraveineuse, mais l’animal est mort malgré tout trois heures plus tard de déshydratation dans les bras de l’auteur…
Une cage avec des souris en
très mauvais état (plusieurs mortes) a été trouvée abandonnée dans un
immeuble…Après nettoyage et premiers soins aux survivantes, elles ont été
remises dans une animalerie qui les a représentées à la vente. Mais l’une
d’entre elles (baptisée Tutu) était passée entre les barreaux de la cage
(écartés d’un centimètre) dans l’appartement de l’auteur ! Il a été
impossible de l’apprivoiser, mais elle a vécu toute sa vie dans l’appartement
sans faire de dégât. Elle faisait ses besoins exclusivement dans le lave-linge
(nettoyé régulièrement), prenait sa nourriture dans la cuisine et dormait sous
une armoire (les pieds constitués de trois planchettes sur la tranche rendaient
l’endroit presque inaccessible) où elle avait fabriqué son nid – semblable à un
nid d’oiseau – en filaments de moquette
coupés avec les dents. Il était possible parfois de la sentir de passage dans
le lit la nuit ! Les chats et elle ont été réciproquement indifférents au
bout de peu de temps. Elle est venue en pleine lumière dans la cuisine pour
rendre son dernier souffle après une vie finalement complète et paisible.
Un bébé campagnol (baptisé Molly : en photo peu après le
recueil au début de cette page, et un peu avant le lâché sur la page du
sommaire dans la manche de l’auteur). Il a été rapporté indemne par le chat,
mais étant incapable de retourner dans son nid il a fallu l’élever. Il pesait
quatre grammes, avait déjà des poils et commençait à ouvrir les yeux ; il
avait donc environ 12 jours et était au début de sa période d’imprégnation (les
petits rongeurs sont comme les petits oiseaux, élevés environ trois semaines
avant émancipation). N’étant pas sevré, il a été nourri au coton-tige imprégné
de lait ordinaire (faute de disposer de lait pour chatons) bien accepté les
trois premiers jours. L’alimentation est passée ensuite progressivement à la
pomme et à la carotte (prévoir une demi-pomme et une demi-carotte distribuées
petit à petit au cours de l’élevage) avec en plus des cerneaux de noix et des
pignons de pin pour les dents. La périodicité du nourrissage est passée d’un
toutes trois heures au début, à trois par jour au bout d’une dizaine de jours
(moment de la libération). Le poids de l’animal est passé de 4 g à 16 g durant
cette période et il montrait des désirs d’émancipation à la fin. La mise en
liberté a été faite dans une cage ouverte par le dessous comme suggéré au début
de cette page. L’idée étant que beaucoup de rongeurs vivent en groupe, mais
n’acceptent pas les « étrangers » (voir « Fondements de
l’éthologie » de Konrad Lorenz). Il faut donc fournir à l’animal un lieu
sécurisé avec de la nourriture, le temps qu’il trouve un nouveau territoire et
y construise son terrier.
Un autre bébé campagnol (baptisé Paulette : en photo ci-après)
a – comme dans le cas précédant – été rapporté par un chat au début de la
période d’imprégnation. Dans ce cas, la personne qui l’a soigné et lui a
promulgué l’affection nécessaire et n’a pas osé le relâcher dans la nature.
L’expérience lui a donné raison. Après plusieurs mois, Paulette est devenue
plus farouche, mais accepte parfaitement la captivité et ne manifeste aucun
signe de dépression. La présence d’une roue dans sa « nouvelle
maison » est son jouet préféré car il lui permet de dépenser son surplus
d’énergie. L’animal est resté principalement nocturne.
Paulette : le jour du recueil et trois mois
après dans sa roue !
Références